Halloween approchant à grands pas, intéressons-nous à la musique des sorcières et sorciers. Au-delà du célèbre thème du jeune sorcier à lunettes, je parle d’Harry Potter bien entendu, qui nous évoque à tous un monde rempli de magie et de créatures mystérieuses, y a-t-il dans la musique classique d’autres traces de sorcières et sorciers ?
L’Apprenti Sorcier de Paul Dukas (1897)
Ouvrons le bal avec un autre jeune sorcier à chapeau pointu et grandes oreilles cette fois-ci : Mickey. Grâce à Fantasia, il a fait découvrir l’Apprenti Sorcier de Dukas à plusieurs générations de musiciens en herbe.
C’est dans la fameuse scène où, tout comme dans le script original de Dukas (d’après le poème de Goethe, Der Zauberlehrling), le jeune apprenti sorcier tente d’animer un balai pour faire son travail à sa place, mais perd tout contrôle et se fait finalement gronder par son maître.
Dans ce poème symphonique, écrit pour orchestre par Dukas en 1897, on peut entendre deux thèmes qui s’entremêlent, se répondent ou s’affrontent : celui du jeune sorcier et celui du balai.
La Cabane sur des pattes de poule, Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski (1874)
Passons du côté des sorcières avec Baba Yaga, la célèbre figure des contes slaves, habitant dans une cabane perchée sur des pattes de poule.
Dans la musique classique, elle a inspiré plusieurs compositeurs, en commençant par Modeste Moussorsky, dans les Tableaux d’une exposition composé en 1874 qui va justement intituler cette pièce “La Cabane sur des pattes de poule”. Cette pièce illustre, en musique, l’aquarelle de Viktor Hartmann ci-contre, l’un des fameux tableaux de l’exposition.
Originellement écrites pour piano par Moussorgski, c’est Maurice Ravel qui orchestrera ces 10 pièces un peu plus tard, en 1922.
Voici le scherzo ensorcelé de Moussorgski, dans sa version originale pour piano :
Une nuit sur le mont chauve, Modeste Moussorgski (1867)
Restons encore un instant chez Moussorgski pour écouter son illustration d’un sabbat de sorcières. Initialement écrit en 1867, le poème symphonique Une nuit sur le mont chauve, a été réorchestré à plusieurs reprises par Rimski-Korsakov entre 1886 et 1907 et ce sont ces versions qui restent les plus connues aujourd’hui.
Dans ses nouvelles orchestrations, Rimski-Korsakov fait disparaître les timbales de Moussorgski et ajoute notamment plus de notes tenues aux cordes, soulignant ainsi l’ambiance inquiétante de l’œuvre.
Et dans Fantasia de Disney, sorti en 1940, c’est encore une autre version qui y figure, celle de Léopold Stokowski qui y mêle l’Ave Maria de Franz Schubert dans son final.
Symphonie fantastique, Hector Berlioz (1830)
Découvrons maintenant un autre œuvre orchestrale rassemblant de nombreuses créatures maléfiques. Il s’agit de la Symphonie Fantastique de Berlioz, composée en 1830, et plus particulièrement son 5è mouvement : Songe d’une nuit de Sabbat.
Dans ce mouvement, Berlioz, dans une nuit cauchemardesque sous l’emprise d’opium, nous dépeint une assemblée de sorcières, des ombres menaçantes et diverses créatures diaboliques réunie pour ses funérailles.
La mélodie présente un peu plus tôt dans la pièce perd ses airs de noblesse pour devenir sinistre et grotesque. On y entend d’ailleurs les cloches qui sonnent le glas, suivi du thème funèbre (Dies Irae) au tuba, puis les flûtes et violons symbolisant les sorcières qui sautillent et dansent comme narguer le rêveur… tout un programme !
Danse macabre, Camille Saint-Saëns (1874)
Après cette nuit endiablée avec Berlioz, clôturons le bal avec la Danse macabre de Camille Saint-Saëns. Cette fois-ci, les sorcières laissent place aux squelettes dans une valse étourdissante. Ce poème symphonique a été composé en 1874 d’après un poème d’Henri Cazalis dont voici l’extrait publié au moment de la première représentation de l’œuvre :
Zig et zig et zig, la mort en cadence
Frappant une tombe avec son talon,
La mort à minuit joue un air de danse,
Zig et zig et zag, sur son violon.Le vent d’hiver souffle, et la nuit est sombre,
Des gémissements sortent des tilleuls ;
Les squelettes blancs vont à travers l’ombre
Courant et sautant sous leurs grands linceuls,Zig et zig et zig, chacun se trémousse,
On entend claquer les os des danseurs,
[…]Mais psit ! Tout à coup on quitte la ronde,
Henri Cazalis
On se pousse, on fuit, le coq a chanté
Oh ! La belle nuit pour le pauvre monde !
Et vivent la mort et l’égalité !
Dans la Danse macabre, Camille Saint-Saëns illustre parfaitement ce poème : la pièce commence avec 12 notes de harpe, symbolisant les 12 coups de minuit, puis la mort frappe quelques coup de talon, en pizzicato au violoncelle, le violon solo entre sur un accord plus que surprenant : la – mi bémol, de quoi réveiller les morts !
Cet accord dissonant est tout à fait volontaire de la part de Camille Saint-Saëns : on appelle cet intervalle de quinte diminuée “diabolus in musica” et l’alternance avec l’accord ré-la fait penser au mouvement de zig zag du poème.
Puis la valse endiablée commence avec les vents et les cordes et “on entend claquer les os des danseurs” avec le xylophone, utilisé pour la première fois en orchestre à cette occasion. La danse se calme, puis reprend de plus belle avant l’apothéose… et quelques notes de hautbois symbolisant le chant du coq s’égrenent et enfin la nuit s’achève : “Oh ! La belle nuit pour le pauvre monde”.
Voilà quelques inspirations pour votre playlist d’Halloween, que vous soyez sorcière ou sorcier, musicien en herbe ou confirmé. Et il reste plein d’œuvres à découvrir, les compositeurs ont été bien inspirés par le sujet !
Crédits photo : Image d’illustration Bess Hamiti from Pixabay, Wikipedia.