Nous avons tous en tête des musiques de films dont les mélodies sont inextricablement liées à des séquences, des plans et des images. La musique de film est un genre à part entière qui a ses propres problématiques, ses codes et ses méthodes. Les relations entre musique et cinéma sont très complexes, profondes et multiples… notamment parce que la musique remplit différentes fonctions : 

• Elle agit, dans le film, sur la perception du temps. Elle peut aider à franchir des sauts dans le futur comme dans le passé, elle peut dilater la temporalité, l’étirer, la contracter, la condenser… ainsi que sur la perception de l’espace ;
• Elle assure aussi un lien, une continuité entre les plans du film, elle a donc une fonction structurelle ; 
• Elle peut servir de ponctuation à la narration ; 
• Enfin, elle peut prendre une dimension symbolique et psychologique. 

C’est donc tout un univers de possibles qui s’ouvre lorsque l’on commence à décortiquer ces mécanismes. 

Dans la mesure où ce répertoire est un vrai délice pour les musiciens amateurs, il était donc légitime d’y consacrer un article sur le blog d’Accordissimo ! 

#1 Qui décide de quoi et quelles sont les options ?

La musique d’un film est voulue par le réalisateur ou le producteur. Il existe différentes manières de faire ; sont évoquées ci-dessous les principales options. 

1. La Bande Originale (BO) est écrite par un compositeur : il s’agit d’une musique originale écrite spécialement pour le film, c’est le cas le plus fréquent : 

→ Exemples : Sueurs froides, Le Bon, la Brute et le Truand, Star Wars, Titanic, Le Seigneur des anneaux….

2. La Bande Originale est écrite par un artiste populaire : il s’agit d’une commande à un chanteur ou un groupe de musiciens appartenant à la musique dite « populaire »

→ Exemples : La Folie des grandeurs, Virgin Suicides, There Will Be Blood… 

3. La compilation : Il s’agit de reprises de morceaux déjà existants, classiques ou populaires. Il n’y a donc pas de création à proprement parler, mais un travail de sélection.

→ Exemples : 2001, l’Odyssée de l’espace, Pulp Fiction, Kill Bill, Inglourious basterds… 

4. L’enregistrement « live » : lorsque la musique est jouée et enregistrée pendant le tournage. Elle peut même être le sujet du tournage, quand l’histoire implique des musiciens ou des sujets musicaux…

#2 L’héritage de la musique dite « classique »

À l’origine, les techniques pour faire la musique d’un film sont issues des domaines du théâtre, du cirque et surtout de l’opéra, qui est un peu le cinéma du XIXème siècle ! La plupart des musiques sont construites sur ce principe : la composition d’un nombre limité de motifs musicaux dont chacun est associé à un personnage, une situation, un décor ou un sentiment. Ce motif est souvent relativement court pour qu’il puisse être facilement mémorisable par le spectateur et faire sens dans la dramaturgie de manière efficace. Ces éléments thématiques sont ensuite « tissés » les uns avec les autres, au sein d’une vaste partition écrite sur-mesure à partir des images. 

Les compositeurs de musiques de films ont souvent fait leurs classes dans les conservatoires et sont de véritables créateurs. Ils privilégient souvent l’orchestre symphonique dans leurs partitions et prennent un soin particulier au moment de choisir les sonorités. Le timbre conditionne en effet bien souvent un imaginaire, une atmosphère et renforce le cadre choisi. John Williams a, par exemple, fait un choix très judicieux en décidant d’exposer le thème d’Hedwige dans Harry Potter au célesta, un instrument qui possède un son cristallin presque magique :

#3 Un parcours historique à la vitesse de la lumière … 

Il est important de préciser que l’histoire de la musique savante et l’histoire de la musique de film s’entremêlent depuis le début. Il y avait déjà un piano en 1895 lorsque les frères Lumière ont organisé leur première projection ! Les premiers films muets étaient projetés dans une salle où des musiciens (pianiste ou petit ensemble de chambre le plus souvent) jouaient en live en puisant dans le répertoire classique pour accompagner les différentes situations (amour, poursuite, danse orientale, catastrophe…) 

Le premier film parlant, Le chanteur de Jazz, qui date de 1927, est en réalité un film chantant. À partir des années 30, les compositeurs de l’âge d’Or d’Hollywood (1930-1959) font véritablement dialoguer la musique et l’image. Ils sont les héritiers de la musique romantique de Wagner, Brahms et Strauss. Il est courant de trouver des structures musicales narratives proches de celles employées dans les poèmes symphoniques, par exemple… Igor Stravinsky, Arthur Honegger, Aaron Copland ont écrit de la musique de film et certains compositeurs qui ont réellement fait carrière dans le cinéma ont été les élèves de compositeurs dites savants : Georges Delerue fut l’élève de Darius Milhaud, par exemple. Ces deux mondes communiquent étroitement. 

Dans les décennies qui suivent, des années 60 aux années 90, les esthétiques changent, les techniques aussi, pour que les musiques fassent plus encore partie de l’action. Elles sont de plus en plus intégrées ; c’est la grande époque d’Elmer Bernstein, John Barry, Ennio Morricone, Jerry Goldsmith et du grand John Williams ! À l’ère du numérique, depuis les années 90, les moyens techniques informatiques jouent un rôle central dans la manière de concevoir des musiques au cinéma. Les styles sont très nombreux et il est difficile d’en percevoir des caractéristiques communes… Voici quelques grands noms : Hans Zimmer, Alan Silvestri, Danny Elfman, James Horner, James Newton Howard, Howard Shore, Thomas Newman, Harry Gregson-Williams, David Arnold, Michael Giacchino, John Powell ou encore Alexandre Desplat… Prenez donc l’habitude de lire les génériques de fin des films pour découvrir le nom du compositeur et des musiciens qui sont à l’origine de la B0 !

→ Pour plus de précisions sur cette histoire de la musique de film : https://www.cinezik.org/infos/affinfo.php?titre0=20080507101904

#4 Quand le grand répertoire donne des idées…

L’histoire de la musique de film regorge de citations. En voici quelques exemples qui vous donneront peut-être envie d’écouter la partition d’origine puis de revoir le film dans lequel elle est citée ! 

• Bill Conti reprend des thèmes de Piotr Ilitch Tchaïkovski, les Ballades et variations norvégiennes d’Edvard Grieg, des passages de La Moldau de Bedřich Smetana, le 2^e Concerto pour violon de Johannes Brahms, Une nuit sur le mont Chauve de Modeste Moussorgski et des passages des Planètes de Gustav Holst dans The Right Stuff (L’Étoffe des héros). Bernard Herrmann s’est inspiré de Richard Wagner, d’Igor Stravinsky, de Serguei Rachmaninov (Les danses symphoniques) et de Gustav Mahler — Symphonie N°4 — dans L’homme qui en savait trop. Dans La mort aux trousses, il reprend la 3^e danse symphonique de Serguei Rachmaninov ; dans Farenheit 451, il s’inspire de Pavane pour une Infante défunte de Maurice Ravel …
• Maurice Jarre reprend Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns pour Lawrence d’Arabie.
• Miklós Rózsa pour la musique de Ben-Hur reprend les Nocturnes de Claude Debussy (notamment pour le morceau intitulé La maison de Hur), Pierre et le loup de Sergueï Prokofiev et Fantaisies de Ralph Vaughan Williams. Pour Le Cid et Ivanhoe, il s’est inspiré de la Symphonie N°3 de Joly Braga Santos. Pour Le Cid, on reconnaît des inspirations provenant du 4^e mouvement de la Musique pour cordes, percussions et célesta de Béla Bartók. Les Nocturnes de Debussy avaient déjà quelques années plus tôt inspiré Leigh Harline pour la musique de Blanche Neige (le fameux morceau intitulé Magic Mirror où la reine se contemple dans le miroir).
• John Williams pour Rencontres du troisième type (Close Encounters of the Third Kind) s’est inspiré des Nocturnes de Claude Debussy, et pour Star Wars du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky ainsi que Les Planètes de Gustav Holst

Certains réalisateurs reprennent même directement des pièces du répertoire savant, sans passer commande à des compositeurs de musiques de films : c’est le cas de Stanley Kubrick avec les films Barry Lyndon (où des airs traditionnels irlandais côtoient des pièces de Bach, Haendel, Mozart, Schubert et Vivaldi) et 2001, l’Odyssée de l’espace, avec notamment la célèbre ouverture d’Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss.

#5 Les plus fructueuses collaborations entre compositeur et réalisateur, des duos mythiques…

Les liens entre le compositeur de la musique et le réalisateur d’un film sont parfois si forts que leurs collaborations sont régulières et que des couples cinématographiques mythiques se forment, comme : 

• Francis Lai et Claude Lelouch 
• Pierre Jansen et Claude Chabrol 
• John Williams et Steven Spielberg 
• Vladimir Cosma et Jean-Pierre Mocky 
• Nino Rota et Federico Fellini 
• Danny Elfman et Tim Burton 
• Éric Serra et Luc Besson 
• Vladimir Cosma et Yves Robert
• Georges Delerue et Philippe de Broca 
• Paul Misraki et Jean Boyer 
• Philippe Rombi et François Ozon 
• Michel Legrand et Jacques Demy 
• Georges Delerue et François Truffaut 
• Angelo Badalamenti et David Lynch 
• Philippe Sarde et Claude Sautet 
• Vladimir Cosma et Claude Zidi 

#6 Le format du ciné-concert … pour décupler le plaisir des musiciens et des auditeurs ! 

Le ciné-concert est une forme très répandue et souvent plébiscitée, notamment par les orchestres amateurs ou semi-professionnels Un principe : la projection des séquences du film entrecoupées par l’exécution de la musique en live, par l’orchestre sur scène. Lorsqu’on est musicien, Il y a en effet un plaisir certain à jouer en tutti ces pages épiques, sentimentales, belliqueuses, aventurières, policières, effrayantes, sensuelles ou fantaisistes.

Pour ceux qui ne jouent pas au sein d’un orchestre, il existe aujourd’hui de nombreuses éditions de partitions de musiques de films : les chansons Disney, Harry Potter, Bohemian Rhapsody, La La Land, les musiques de Yann Tiersen, l’anthologie Ennio Morricone … n’hésitez pas à les adopter ! 

Pour écouter des BO, ayez le réflexe Radio France → https://www.radiofrance.fr/francemusique/radio-musiques-films

Pour aller plus loin, ces podcasts réjouiront mélomanes et cinéphiles →  https://podcasts.ouest-france.fr/emission/1-71-Une-musique-un-film

Pour ceux qui aiment les génériques des grands studios de cinéma → https://fr-fr.facebook.com/FranceMusique/videos/musique-cin%C3%A9ma-une-histoire-en-quelques-secondes-tendez-loreille-par-christophe-/267975951255102/

Rédactrice : Calamus Conseil