Composé quelques semaines avant sa mort, La flûte enchantée est en quelque sorte le testament lyrique de Wolfgang Amadeus Mozart. Un opéra universel qui s’adresse aux petits comme aux grands, grâce à des airs merveilleux écrits sur un livret d’Emanuel Schikaneder. Comme cette histoire a fait couler beaucoup, beaucoup, beaucoup d’encre, le présent article synthétise et vous dit l’essentiel. Voici quelques clefs d’écoute pour découvrir ou re-découvrir ce chef-d’œuvre magique, symbolique, allégorique, émouvant, captivant, électrisant mais sachez toutefois que rien ne vaut une représentation, en vrai ! 

#1 Le résumé de l’opéra et les personnages 

Le Prince Tamino est chargé par la Reine de la Nuit d’aller délivrer sa fille Pamina des prisons de Sarastro, présenté comme un tyran. Guidé par les trois Dames de la Reine, Tamino est accompagné de l’oiseleur Papageno : à Papageno revient un carillon et à Tamino une flûte magique – deux instruments qui les aideront dans leur périple. Mais Tamino découvre au cours de son voyage que les forces du mal ne sont pas du côté de Sarastro mais de celles de la Reine de la Nuit : cette dernière l’a trompé et elle est prête à tout pour se venger de Sarastro, qu’elle déteste. Il s’agit donc du parcours initiatique de Tamino pour délivrer et conquérir Pamina. L’ensemble de toutes ces péripéties les mènent vers l’amour et la lumière, sous la sagesse bienveillante de Sarastro. La Reine de la Nuit et sa suite finissent par être vaincues.

Rappel des personnages : 

*Pour plus de précision sur ce qu’est une voix de soprano colorature, la chanteuse Sabine Devieilhe :

Pour mémoriser et avec de l’humour : 

#2 Un « singspiel » en 2 actes, la construction de l’opéra 

Après une merveilleuse ouverture, un morceau pour orchestre seul qui plante le décor et met l’auditeur dans l’ambiance en présentant les thèmes, l’action commence sur scène.  Pour entendre l’ouverture :

L’opéra est développé en 2 actes. Chacun est subdivisé en une série de huit et treize numéros. C’est une succession d’arias (airs de soliste), duos, trios, quintettes parfois avec chœur, et entrecoupée de textes parlés, les dialogues. Les finales de chaque partie (Acte I, no 8/Acte II, no 21) réunissent l’ensemble des personnages déjà présentés.

La flûte enchantée est en effet un singspiel, un type d’opéra qui mêle voix parlées et voix chantées.

Acte 1 : 

Le prince Tamino est attaqué par un énorme serpent : l’oiseleur Papageno, peureux et beau parleur, s’est présenté comme son sauveur, mais ce sont en réalité les Trois Dames de la Reine de la Nuit qui ont sauvé Tamino. Elles remettent au jeune prince un portrait de Pamina, fille de la Reine de la Nuit retenue prisonnière par le mage Sarastro, qu’elles décrivent comme un tyran. Tamino s’enflamme pour ce portrait et jure d’aller délivrer Pamina.

Accompagné d’une flûte magique et de Papageno, Tamino part à la recherche de Pamina.

Acte 2 : 

Devant les Trois portes de la Sagesse, de la Raison et de la Nature, Tamino apprend que Sarastra a, en réalité, enlevé Pamina pour son bien, afin de la soustraire aux influences néfastes de la Reine sa mère. Haineuse, cette dernière est prête à tout pour se venger, et lorsqu’elle surgit devant sa fille, c’est pour l’inciter à aller tuer Sarastro. 

Papageno ne rêve quant à lui que d’une petite femme qui l’accompagnerait – une Papagena… Des épreuves l’attendent lui aussi, mais moins exigeantes que celles imposées au couple Tamino/Pamina. Malgré les pièges qui leur sont  tendus, Pamina et Tamino réussissent à traverser les épreuves de l’eau et du feu, guidés, dans leur initiation par « la toute puissance de la musique ». Papageno, lui, a enfin trouvé sa Papagena. Les forces mauvaises ayant été englouties dans les ténèbres, Sarastro célèbre la félicité du jeune couple : « les rayons du soleil repoussent la nuit. »

 #3 Et dans la fosse ?

L’orchestre, situé dans la fosse, est une formation  symphonique classique :

• Cordes : premiers violons, seconds violons, altos, violoncelles et contrebasses
• Bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes et 2 bassons
• Cuivres : 2 cors, 2 trompettes et 3 trombones 
• Percussions : 2 timbales, glockenspiel

Mais il y a quand même quelques petites spécificités : 

• Un des flûtistes joue du piccolo
• Un des clarinettistes joue du cor de basset (Mozart aimait beaucoup son timbre !) 
• Les 3 trombones se répartissent comme suit : alto, ténor et basse
• Mozart demande aussi un glockenspiel (jeu de cloches) fréquemment remplacé par un célesta confié à un pianiste. 

Dans l’aria Der Vogelfänger bin ich ja (Acte I, no 2), Papageno doit jouer de la flûte de Pan, le plus souvent doublée par le piccolo de l’orchestre ou parfois par une flûte à bec.

#4 Quelques anecdotes pour conclure 

1. Un hommage de Mozart à Bach

Dans l’air Der, welcher wandelt diese Straße voll Beschwerden dans le final du 2^e acte, Mozart s’inspire directement de l’air Blute nur, du liebes Herz de la Passion selon saint Matthieu. Mozart reprend à la note près, mais dans une autre tonalité, la mélodie de Bach. Petit hommage et charmant clin d’œil ! 

2. Des personnages qui fonctionnent par pair complémentaire 

Il est possible de regrouper les personnages par pair, selon les thématiques qui structurent cette histoire : 

Soleil X Lune : 

Sarastro est le symbole du bien. Il garde le domaine de l’Esprit et il est symbolisé par le Soleil. La Reine de la nuit est le symbole de la révolte de la femme contre la suprématie de l’homme. Elle est symbolisée par la Lune. 

• Feu X Eau :

Tamino est destiné à former le couple dans la plus haute acception du terme ; l’amour lui faisant surmonter les épreuves de l’initiation. Il est symbolisé par le feu et joue de la flûte magique.

Pamina est complémentaire de Tamino. Elle change de monde en passant du règne de la nuit à celui du Soleil par l’amour et par l’initiation. Elle est symbolisée par l’eau.

• Air  X Terre :

Papageno, figure l’humanité « ordinaire » pleine de bonne volonté mais sans courage et sans intelligence. Il est donc « indigne » d’être initié. Il est au service de la Reine de la nuit mais son voyage avec Tamino lui permet de passer dans le règne du jour. Il est symbolisé par l’air. Son nom, et celui de Papagena, sont fondés sur le mot allemand Papagei qui signifie « perroquet ». C’est pour cette raison que leur costume est couvert de plumes multicolores.

Monostatos est le seul homme du Royaume de la nuit après sa trahison (il fait le chemin inverse de Papageno). Il évoque l’obscurité de la Terre qu’il symbolise.

3. Mozart qui était franc-maçon a glissé de nombreux symboles dans cet opéra.

Dans son ouvrage La Flûte enchantée, opéra maçonnique le musicologue Jacques Chailley explore les riches allusions musicales aux symboles maçonniques. Les thèmes abordés dans cet opéra sont pour beaucoup empruntés au rituel d’initiation de la franc-maçonnerie dont Mozart et le librettiste Emmanuel Schikaneder faisaient partie. 

Mozart rêve de ressusciter l’initiation égyptienne perdue, importante à ses yeux pour la « Paix du Monde ». Il veut redonner la place aux femmes, oubliées et pourtant au centre des croyances initiatiques. Certains observateurs estiment que le génie de Mozart s’exprime pleinement dans cet opéra qui atteint une perfection inégalée, parce qu’il fait vire à l’auditeur ce rituel initiatique. 

Il existe de nombreuses versions filmées de cet opéra, mais le mieux reste d’aller le voir en vrai !

Pour lire la partition : https://s9.imslp.org/files/imglnks/usimg/f/fa/IMSLP25092-PMLP20137-Mozart_Zauberflote_contents.pdf

Lexique

Fosse d’orchestre : A l’opéra, Partie d’une scène, invisible aux spectateurs, dans laquelle se placent les musiciens.

Franc-maçonnerie : Groupe ésotérique qui vise à la fondation d’une société égalitaire et pragmatique dont les membres se réunissent en loge pour débattre sur des sujets aussi divers que variés. 

Livret /librettiste : texte littéraire sur lequel repose un opéra, une opérette, un oratorio ou une comédie musicale. Publié sous forme d’opuscule séparé de la composition musicale, il contient les dialogues chantés et les éventuels passages parlés, ainsi que de rapides indications de mise en scène. Il est écrit par le librettiste. 

Singspiel : Type d’opéra. Œuvre théâtrale jouée et chantée en allemand, proche de l’opéra-comique français. Il se caractérise par l’alternance de dialogues parlés, parfois accompagnés de musique, et d’airs chantés, souvent de coloration populaire.

Voix (typologie) :

Rédactrice : Calamus Conseil