Tin, tin, tin, tiiiin… Tin, tin, tin, tiiiiiin. Et oui, le destin frappe à la porte d’Accordissimo puisqu’on analyse ici ensemble l’une des œuvres les plus célèbres de l’histoire de la musique : la 5ème symphonie de Beethoven. Celle qu’on surnomme la symphonie du destin. Pourquoi ? Comment expliquer son succès ? Que faut-il retenir ?
Une tonalité : Do mineur
Un opus : Opus 67
#1 Le contexte
C’est une pièce écrite au début du XIXème siècle, dans un contexte européen particulier : les guerres menées par Napoléon et l’occupation de Vienne en 1805. C’est la première chose à retenir.
Beethoven la compose entre 1805 et 1808 et la dédie à deux personnalités politiques puissantes : le Prince Lobkowitz et le compte Razumovsky (celui des quatuors !)
La pièce est jouée pour la première fois à Vienne le 22 décembre 1808, lors d’un très grand concert et entourée d’autres pièces, dont la 6ème symphonie… L’évènement dura plus de 4 heures ! Certains sont impressionnés, d’autres ne comprennent rien du tout. L’accueil n’est pas à la hauteur. Un seul est enthousiaste, l’écrivain E.T.A. Hoffmann qui écrit en 1810 : « La musique instrumentale de Beethoven nous ouvre l’empire du colossal et de l’immense. D’ardents rayons percent la nuit profonde de cet empire et nous percevons des ombres de géants, qui s’élèvent et s’abaissent, nous enveloppant de plus en plus et annihilant tout en nous, et pas seulement la douleur de l’infini désir dans lequel sombre et disparaît tout plaisir sitôt surgi en notes d’allégresse; et c’est seulement dans cette douleur qui se consume d’amour, d’espoir, de joie, mais ne détruit pas, veut faire éclater notre poitrine dans un accord unanime de toutes les passions, que nous continuons à vivre et sommes des visionnaires ravis. »
L’effectif orchestral :
Tout un programme et, pour le réaliser, qui dit symphonie dit … orchestre ! Beethoven choisit d’ajouter quelques instruments à l’effectif traditionnel :
- Un piccolo pour l’aigu
- Un contrebasson pour le grave
- Trois voix de trombones (alto, ténor et basse) … pour le finale !
Par famille, nous trouvons donc sur la scène :
- Pour les cordes : premiers violons, seconds violons, altos, violoncelles, contrebasses
- Pour les bois : un piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes en siB, 2 bassons, 1 contrebasson
- Pour les cuivres : 2 cors en mi ♭ et en ut, 2 trompettes en ut, 3 trombones (alto, ténor et basse)
- Pour les percussions : 2 timbales (sol et do)
Et un chef pour diriger l’ensemble, bien sûr !
#2 Une architecture musicale fondée sur 4 piliers
Cette symphonie est composée de 4 mouvements. Beethoven n’est pas ici très novateur, il conserve la forme traditionnelle dont il a hérité de Haydn et Mozart.
36 minutes de musique, donc, découpées comme suit :
- Mouvement 1 : un Allegro con brio à 2/4 en do mineur
- Mouvement 2 : un Andante con moto e, 3/8 en la bémol majeur
- Mouvement 3 : un Allegro à 3/4 en do mineur (avec une modulation centrale en do majeur)
- Mouvement 4 : Un Allegro –Presto à 4/4 (puis 3/4 4/4 et 2/2) et do majeur (avec une modulation en do mineur)
Après toutes ces oscillations entre l’ombre et la lumière, c’est bien les couleurs solaires qui parviennent à vaincre l’obscurité, grâce au mode majeur.
#3 Pour ceux qui sont avides d’informations un peu plus précises : la forme
Le premier mouvement Allegro con brio est l’un des plus intenses de l’histoire de la musique grâce à son très célèbre motif :
Si peu de moyens pour tellement d’effets ! Trois sol et un mi bémol, rythmiquement trois brèves et une longue, puis sur le même rythme, trois fa et un ré. C’est le motif de la volonté, de la ténacité; Beethoven expliquait son choix en disant : « Ainsi le destin frappe à la porte ».
La force de ce motif, c’est qu’il garantit l’unité de l’œuvre, puisque tout ou presque découle de lui ! Et c’est la première fois dans l’histoire que ce type de développement musical apparaît. Ce motif est tellement célèbre qu’il a même été cité dans d’autres œuvres par d’autres compositeurs, dans le Tricorne, un ballet de Manuel de Falla ou dans les Métamorphoses de Richard Strauss par exemple. La rançon du succès !
Ce premier mouvement est de forme sonate et il expose deux thèmes que tout oppose :
- Le premier, dont nous avons déjà longuement parlé, rythmique et martial
- Le second, plus tendre et mélodieux.
Le développement se concentre sur le premier thème. La réexposition débute par une accalmie soudaine (« Adagio » au hautbois) puis, c’est la redite sans changements. Un trait rapide des violons amorce la coda qui fait apparaître une nouvelle phrase aux cordes. Un énorme fortissimo de douze mesures avec le tutti termine l’Allegro. Le second mouvement, Andante con moto, est très différent du premier : autre ambiance, autre couleurs ! Place à la douceur. En voici le premier thème :
Ce second mouvement se rapproche d’une forme « Thème et variations ». Au premier thème lyrique des altos et violoncelles succède un second thème énoncés aux clarinettes et bassons. Très vite, des passages contrastés plus violents se font entendre. Vient ensuite une première variation construite sur des arabesques aux cordes, sous lesquelles nous pouvons entendre le motif rythmique initial de l’Allegro. S’ensuit une seconde variation, puis un contrechant animé qui annonce l’arrivée du second thème. Contrastes et modulations s’enchaînent dans ce mouvement, jusqu’à la coda.
On pourrait s’attendre à un traditionnel scherzo comme 3ème mouvement, mais non ! Il s’agit d’un Allegro qui peut être vu soit comme le prolongement de l’Allegro initial, soit comme un prologue au dernier mouvement. Tout dépend de l’analyse ! Il est construit sur une forme tripartite ABC.
Partie A : tout commence par des basses mystérieuses, auxquelles répondent les cordes, puis les bois de manière répétitive. Surviennent aux cors les quatre notes du premier mouvement, dans une sorte de marche.
Parie B : La partie centrale consiste en un premier fugato exposé aux violoncelles et contrebasses, suivi d’un second fugato exposé par les bassons, altos et quatuor.
Partie C : La dernière partie fait entendre le motif de ce mouvement, suivi par le thème cyclique. Ce dernier est énoncé pianissimo, donnant l’impression de se dissoudre. Puis, c’est la timbale qui marque une pulsation obsédante sur laquelle s’effectuent des modulations. Un crescendo saisissant sur les dernières mesures aboutit à un thème triomphal.
Tout s’enchaîne ensuite, et le dernier mouvement est encore …un Allegro qui va même finir en Presto ! Son thème est vainqueur, puissant et lumineux. Des développements par mouvement ascendants et descendants cèdent la place au second thème aux bois fortissimo. Clarinettes et bassons présentent ensuite un nouveau thème, tout autant triomphal avant de conclure cette exposition. La partie centrale est essentiellement une suite de variations et modulations des motifs antérieurs. Pour finir, Beethoven prend un thème de marche. Le rythme s’accélère et le Presto amène la coda avec un dernier retour du thème cyclique initial, énoncé en fanfare énergique. La symphonie s’achève par une succession de huit accords fortissimo; un feu d’artifice musical ! Epoustouflant, non ?
#4 Liens utiles
- Pour aller plus loin : Radio France – Histoire de la 5e symphonie
- Pour être plus technique : Philharmonie de Paris – Symphonie N°5
- Une interprétation de légende par Herbert von Karajan :
- Une interprétation plus récente :
- Pour les amateurs de graphisme et d’animation :
- Pour une autre approche poétique … plus animalière !
Rédactrice : Calamus Conseil