Vous avez reconnu cet air ? Voici un nouveau coup de projecteur sur une œuvre phare du répertoire : Carmen de Bizet… Pourquoi est-ce l’opéra le plus joué au monde ? Eléments de réponse ici.
Contexte et création
Carmen est un opéra comique en quatre actes de Georges Bizet, sur un livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy. L’œuvre est une adaptation de la nouvelle de Prosper Mérimée. Il est toujours intéressant de lire l’ouvrage littéraire qui a inspiré l’opéra.
Pour se replonger dans ces pages et comparez la version littéraire et la version lyrique : https://fr.wikisource.org/wiki/Carmen_(M%C3%A9rim%C3%A9e)/Texte_entier
Créée le 3 mars 1875 à l’Opéra Comique sous la direction d’Adolphe Deloffre, Carmen ne rencontra pas le succès escompté, ce qui affecta beaucoup Bizet. Le public fut certainement scandalisé par cette héroïne aux mœurs légères et n’était pas habitué à un opéra comique si peu comique ! Même si ce terme ne renvoyait pas nécessairement à quelque chose de drôle à l’époque, il correspondait à une catégorie d’opéras aux sujets légers, mettant en scène des personnages souvent issus de classes populaires et avec une fin joyeuse. Bizet eut d’ailleurs bien des difficultés à imposer son sujet, plutôt tragique, au directeur de l’Opéra Comique.
Histoire et personnages, voix et orchestre
À l’opéra, lorsqu’il s’agit de raconter l’histoire, on parle de synopsis. Voici donc celui de Carmen : À Séville en Espagne, au début du XIXème siècle, Carmen, une jeune bohémienne rebelle et séductrice, déclenche une bagarre dans la manufacture de tabac où elle travaille. Elle se fait arrêter. Le brigadier Don José, chargé de la mener en prison, tombe sous son charme et la laisse s’échapper. Par amour pour elle, il va déserter et rejoindre les contrebandiers. Mais Carmen, très vite, va se lasser de lui et se laisser séduire par un célèbre torero. Don José, fou de désespoir et dévoré par la jalousie, la frappe à mort avec un poignard.
Chaque grand rôle est associé à une tessiture :
- Carmen, bohémienne andalouse et cigarière, est mezzo-soprano ;
- Don José, le brigadier, est ténor ;
- Micaëla, la jeune Navarraise, est soprano ;
- Escamillo, le toréador, est baryton.
Et dans la fosse ? L’orchestre est composé des premiers et seconds violons, des altos, violoncelles et contrebasses, d’un piccolo, de deux flûtes, d’un cor anglais, de deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, quatre cors, deux trompettes, trois trombones, une harpe, des timbales, une grosse caisse, et pour créer les couleurs de l’Espagne, des cymbales frappées, un triangle, un tambourin et des castagnettes.
Le génie de Bizet et les points forts de l’œuvre
La Carmen de Bizet est plus civilisée, moins violente que celle de Mérimée. En ajoutant la figure douce et plus angélique de Micaëla, il crée aussi un antagonisme très riche dramatiquement entre ces deux personnages opposés. Carmen est un opéra dont tous les rouages du drame fonctionnent à la perfection ! Aujourd’hui, la figure de Carmen ne choque plus le public, mais fascine. Son besoin d’indépendance, sa force de caractère, son besoin de liberté en font une figure inspirante.
Bizet est également un génie de l’orchestration, il utilise tous les timbres de l’orchestre pour mettre en valeur le caractère des personnages, les passions et surtout peindre le décor de cette Espagne fantasmée. Cet exotisme musical est à mettre en perspective avec l’œuvre complète du compositeur qui intégra de nombreux éléments orientalistes dans sa musique à partir des années 1840. C’est dans l’air du temps ; la musique s’enrichit à cette époque de couleurs venues d’ailleurs et emprunte aux musiques populaires certains procédés d’écriture.
La beauté des airs, l’alternance de passages éminemment dramatiques avec des moments plus légers, le rôle et la mise en scène des chœurs, les parties orchestrales – dont certaines sont très virtuoses -, ont contribué à faire de cet opéra un chef-d’œuvre.
Un air à chanter à tout moment de la journée !
« L’amour est un oiseau rebelle » est chanté par Carmen, dans le premier acte. C’est avec cette mélodie que le public la découvre. L’air se termine par une fleur que Carmen lance à Don José ; la scène est devenue culte ! Ce premier air de Carmen fut réécrit 13 fois, avant que la dernière version ne soit adoptée par Bizet… La mélodie s’étire en ondulant et se caractérise par ses mélismes et ses ornements qui évoquent certaines musiques populaires espagnoles :
Si vous avez besoin d’un peu d’aide :
Carmen contre Wagner
À la fin de sa vie, le philosophe Friedrich Nietzsche s’éloigna de Richard Wagner, lui préférant … Carmen ! Il débute son ouvrage Le Cas Wagner par une lettre de mai 1888 et explique : « Cette musique de Bizet me paraît parfaite. Elle approche avec légèreté, avec souplesse, avec politesse. […] Cette musique est cruelle, raffinée, fataliste : elle demeure quand même populaire. » Relire ces pages permet d’allier musique et philosophie et de découvrir Bizet autrement.
Comme tous les grands tubes de l’histoire de la musique, Carmen a aussi donné naissance à de nombreuses adaptations, en voici 5 exemples, volontairement très différents :
- Bizet lui-même en fit deux Suites pour orchestre.
- Carlos Saura réalise en 1983 son film Carmen.
- Un an après, en 1984, sort Carmen, le film d’opéra de Francesco Rosi avec Julia Migenes et Placido Domingo.
- En 2000 le chorégraphe Matthew Bourne conçoit le ballet The Car Man.
Tout récemment, Stromae s’inspire de Carmen pour écrire une chanson et réaliser un film d’animation :
Rédactrice : Calamus Conseil